Aux trois chansons interprétées par François CHAVENT, cet après-midi-là, des plumes sont entrées en résonance :
La main va et vient sur les cordes Melocoton pose ses questions La main tendue de Melocoton La main tendue… La main crispée La main serrée La main de l’humanité La main muette, suspendue par la surprise La main joyeuse s’agitant par la fenêtre La main, toujours la main La main caressante de l’amour La main enveloppante de l’amitié La main affairée La main enfiévrée du malade La main apaisante de la mère La main désespérée La main rageuse qui se dresse La main qui empoigne La main qui s’agrippe La main, lasse, qui décroche La main abandonnée La main esseulée La main tendue de MelocotonAlain NÉROT :
Bozo ou Monzo
La douze cordes sonne clair, je ne peux m’empêcher d’essayer de suivre les accords qu’enchaîne une main légère et précise, do, sol, la mineur, fa ou fa dièse, mi. Ils sont simples mais harmonieux. La voix grave évoque la tristesse de l’absence, de l’aimée introuvable. L’image du château au bord de l’étang s’impose. Les murailles anciennes s’élèvent au milieu des plantes aquatiques, les ajoncs et les roseaux se mêlent au lierre et à la vigne vierge qui s’accrochent entre les pierres disjointes. Un hublot faiblement éclairé laisse apercevoir un rideau déchiré. Tout est prêt pour la fête, le cortège des invités, fantômes bienveillants, se presse au portail. Mais Bozo, ou Monzo, peu importe, fils du matelot, se retrouve seul et abandonné. Les invités ne sont que des ombres qui s’effacent et disparaissent en même temps que le château se fond dans la brume. Seul sur son radeau, Bozo, ou Monzo, peu importe, s’éloigne en rêvant à sa bien aimée, qui n’existe pas plus que son rêve de fête et de château. Et Bozo, ou Monzo, peu importe, s’efface derrière un dernier accord qui vibre dans le silence. Les blésLes blés, capo 5, cette fois la main droite arpège les accords d’une mélodie douce et sombre à la fois. Une mélodie qui évoque la tristesse et la peur de l’abandon, « Si tu devais partir, je serais triste à mourir ». Les images se succèdent ravivant des souvenirs anciens. C’est l’écho de ma voix, quand tu es partie, après un dernier baiser et un dernier regard, comme le voilier que le jusant emporte aidé par un vent de noroît, tu t’es éloignée pour ne plus revenir. La voix légère et douce s’enfle soudain, grave et puissante. Les blés se courbent sous le vent, impuissants et soumis. La rivière s’écoule emportant les méandres de mes souvenirs. Et si tu revenais ? La vague qui t’a prise un beau matin d’avril peut-elle te ramener, après avoir fait le tour de la terre, un soir de septembre ? Les larmes ont séché sur mes joues fatiguées, une chanson me porte, et, seul sur mon radeau, je me perds dans la brume où s’évanouissent mes souvenirs.
Melocoton
toujours capo 5, « J’en sais rien, viens, donne-moi la main ». Cette fois, c’est une mélodie ancienne que je connais, une chanson qui réveille des souvenirs d’autrefois, elle était à la mode quand j’étais étudiant. Que tout ceci est loin ! Tendresse des mains qui se joignent, évocation des craintes de l’enfance, comment pourrais-je un jour dominer le monde, devenir comme cet homme immense que j’appelle papa. Ecoute ma détresse et donne-moi la force, protège-moi, toi qui sais, prends ma main. Et, en contre point, je sens dans ma main se glisser la main de mon petit-fils. A onze ans, on est maître du monde… sauf quand il devient inquiétant, alors, que c’est bon de trouver une main accueillante pour me dire que je ne suis pas seul sur le chemin. Raconte-moi une histoire grand-père, une histoire dont je sois le héros, et où je triompherais de tous les pièges et de toutes les peurs, sur mon radeau, avec mes équipiers, à la découverte de mondes sauvages et merveilleux. Main dans la main, invincibles, nous triompherons de toutes les peurs et de toutes les angoisses. Comment ferons-nous ? « J’en sais rien, mais viens, donne-moi la main ».Andrée POSSETY :
Bozo La brume noie le paysage, noie le visage de Bozo, noie le chagrin qu’éclaire le fanal, noie le bal languissant qui ne réussit pas à animer le château. Tout va à vau l’eau au rythme du radeau, au rythme de la voix enveloppante de FrançoisL’eau tourne en un tourbillon lent au cœur du marais, l’eau miroir mouvant des sentiments de l’homme éploré aux yeux noyés, l’eau happe dans ses reflets la fée carabosse, les invités poudrés et leurs carrosses.
Les doigts souples et doux du guitariste caressant et accrochant les cordes font surgir une mélodie onctueuse et poignante. Visage incliné, le musicien, sur le ton de la confidence révèle l’aventure malheureuse de Bozo dans son château noyé sous les longs rideaux, Bozo sur son radeau en dérive sur l’eau du chagrin noyé.
Des notes, légères, accompagnent les mots. Plus vives, plus rapides, elles invitent à accélérer l’écriture avant de faire silence… Puis de rebondir de plus belle dans une délicate sourdine.
Les blésLe vent souffle, les mots s’envolent sur ses ailes Le vent caresse les blés ondoyants aux verts changeants Le vent s’est tu, les notes s’assagissent Les épis lourds s’inclinent au sommet de leurs tiges immobiles Le vent se relance, les mots s’affolent Les doigts tendus agrippent les cordes Les blés se couchent en un tapis finement rayé Le vent louvoie, les mots tressautent Les blés ondoient en une mer verte et brillante Le vent tempête, les mots sonnent et tonnent Les blés, las, abandonnent Le vent a fui, l’air s’alanguit, les notes s’évanouissent Le blé s’épanouit
Alain BONNET :
Bozo Douce musique Balancement du bras Les bras enlacés Les vieux rideaux du château Nostalgie Souvenirs Cette voix qui vibre et se balance Une présence d’autrefois et une mélodie-peinture Des bleus et des roses Mais le soleil couchant et les caresses de la main sur les cordes Du pinceau sur la toile Du regard sur un visage La musique s’est envolée Les doux instants prennent place au salon. Libre comme l’air, pars si tu le veux Traverse les sables et les eaux Va où le vent te désire La guitare s’inspire du battement de tes ailes La mélodie pour le cœur La voix pour l’espace Et le mot libre au fond de moi. Grandis encore Même si tu n’en sais rien La guitare t’accompagne Te donne encore la main Si tu le veux Te laisser partir.Marie-Christine VINCENT-JEANDENAND :
Bozo Tout au long de l’eau, sur un nénuphar, une petite grenouille attend elle aussi. Restera-t-elle toute seule sous la pluie ? Vert d’eau, vert pâle, vert rouillé, entre la pluie, un rayon de soleil fait briller une multitude de perles, l’étang se transforme en un écrin de diamants. Voix grave, voix chaleureuse, tristesse des mots fondus avec le paysage, une aquarelle apparaît sous le pinceau du promeneur qui s’est posé au bord de l’étang. Les notes de musique tombent sur la feuille, les gouttes d’eau sautent sur les cordes de la guitare, les larmes de Bozo coulent en un flot continu. Tout se mélange tout se transforme, le tableau naît doucement, les couleurs reflètent leur lumière sur le visage de Bozo qui s’éclaircit et s’illumine. Ses larmes se tarissent. L’attente, le départ, la séparation, pour où ? Pour quoi ? Pour qui ? La mer, le marin, le port, le quai, un voilier : s’embarquer, voyager, l’inconnu, la découverte, un vieux rêve, va-t-il se réaliser ? Partir ou attendre ? Partir pour aller croquer la vie à pleines dents, pour vivre ? Attendre pour espérer le retour du bien aimé ? L’inconnu qui attire ou repousse, la vie chargée de toutes ses incertitudes, de toutes ses surprises qui naissent au détour d’un méandre d’un fleuve, au sommet d’une montagne, au coin d’une rue, tout au bout du chemin, sous les doigts du guitariste qui courent sur les cordes de la guitare, échange sensuel. Lui, caresse, pince gratte. Elle, vibre, sonne, résonne, laisse s’envoler des airs mélodieux qui envoûtent émeuvent, apportent le bonheur. La voix du chanteur, gave nous emporte dans son voyage. Petite boule d’or court sur ce grand chemin bordé de champs de blé et de coquelicots. La couleur du blé, celle des cheveux de Boule d’or, le soleil, l’été, la chaleur sur notre peau, la chaleur de la voix dans notre cœur. Un moment partagé, un moment de gaîté, richesse de la vie, richesse du partage, richesse des rencontres, vie que je t’aime.